- Textes et photos par Matthieu -
Plus de cent cinquante autos historiques, dont soixante-quatre Groupe B et Groupe S, s'étaient données rendez-vous le temps de trois journées, les 21, 22 et 23 juillet 2016, dans la région de l’Eifel non loin du célèbre Nürburgring. Cela fait ainsi de l'Eifel Rallye Festival le plus grand rassemblement de véhicules de Groupe B et de Groupe S au monde ! Cet événement a conquis le cœur de pilotes des quatre coins du monde : dix-sept contrées différentes sont représentées parmi les équipages. Cela représentait une très belle occasion pour moi de m’initier à la photographie de rallye, qui ne s'avère pas être de tout repos...
(Après un tour à Stuttgart et ses alentours pour visiter une quatrième fois le foyer de ma marque favorite, Porsche, je me suis donc rendu au Nürburgring, en pleine manche du Championnat du Monde d'Endurance (WEC). Entre les spectateurs du rallye et ceux du WEC, les campings, hôtels et même les routes sont prises d'assaut, alors oui, le week-end s'annonce mouvementé !)
Il est quatorze heures pétantes lorsque je me rends dans la petite ville de Daun à quelques kilomètres au sud du Nürburgring. Malheureusement, de nombreux concurrents ont déjà quitté le camp, filant ainsi en direction de la traditionnelle photo de groupe non loin de là, avant qu'ils se rendent au Shakedown, la fameuse spéciale d'essai. J'arrive tout de même à me retrouver nez-à-nez avec une Lancia 037 et l'un des deux prototypes Groupe S présents (Toyota 222D-8 présentement).
Aucun plan de spéciale, ni aucune route empruntée n'ont été divulgués sur le net, et ayant essuyé un refus concernant l'accréditation, je ne sais absolument pas que faire... A chacune de mes histoires un heureux dénouement, puisqu'un équipage français engagé en Alpine A310, que je remercie, me laisse gentiment prendre en photo tout ce dont ils sont munis. Je peux donc grimper dans mon auto et foncer à l'une des épingles du Shakedown ! Cependant, je me rends rapidement compte de la difficulté à trouver un spot correct lors d'un rallye allemand... La zone spectateur se situe à une dizaine de mètres du virage et c'est l'heure d'affluence. Je me rends donc dans le champ voisin, où au moins personne n'osera me gêner.
Ajoutons tout de même à cela que l'endroit ne s’avérera pas aussi clément avec moi que ce qui était prévu. En effet, un ami me signale qu'un orage va éclater au-dessus de ma tête dans les minutes qui suivent. Rassurant ! Ni une ni deux, je sors de mon champ et retourne à la zone spectateur. Et voilà que la région nous joue son premier tour de magie, il faisait chaud, il faisait gris, mais en quelques minutes seulement, le déluge s'est abattu et il ne fait plus que cinq petits degrés. Mon ami avait donc raison : c'est un orage de grêle qui trône au-dessus de ma tête et suspend la spéciale. Je suis actuellement sous des arbres et range mon matériel dans mon sac, et comme quiconque le sait, se trouver en dessous des arbres lors d'un orage... Ce n'est pas une bonne idée !
L'orage ne décide pas de s'en arrêter là, puisqu'au contraire, il s'intensifie ! Ma journée s'arrêtera donc plus tôt que prévu.
Vendredi 22 Juillet 2016 - la Bosh Superstage et la soirée Groupe B !
Aujourd'hui prend place la première spéciale chronométrée, la Bosh Superstage ! Il s'agit tout simplement de la spéciale la plus appréciée et animée de toutes. Sur un tracé de cinq kilomètres, les pilotes affronteront des lignes droites, mais surtout des virages à 90 degrés, un saut, un passage dans l'eau, et de nombreuses séparations entre la terre et le bitume. Ne faillant pas à sa réputation, le rallye ne manquera pas de prouver qu'il y a de l'action ! Les premiers à parcourir les deux tours de boucle s’élanceront à quatorze heures. Je passe donc ma matinée au Nürburgring afin d'arriver sur les lieux à l'heure prévue. Après une quinzaine minutes de marche, je me présente au premier virage que je peux apercevoir : mais les allemands sont venus en masse pour assister à cette spéciale, il y en a partout ! Je poursuis donc ma route jusqu'au saut où j'espère obtenir une place... Cela se solde par un deuxième échec... Toutes les zones spectateurs sont bondées, j'arrive tout de même à monter sur un banc avec mes chaussures pleines de terre, miam miam.
Trop de monde pour moi ! On se croirait dans un jeu vidéo. Je propose à mes accompagnateurs de changer d'endroit et à ce moment précis, je me demande même s'il ne faudrait pas mieux partir... Après avoir fait un gros détour, j'arrive aux deux virages précédant le saut : un que l'on ne voit pas et un autre assez loin mais où au moins, on voit les voitures... C'est mieux que rien.
Les Groupe B commencent à se dévoiler, je rate quelques Audi Quattro et les Lancia Delta S4... il est temps de bouger ! Voilà que je trouve un spot où les voitures passent à un mètre ou deux de moi. Et pour cause, je suis au second "passage piéton" improvisé. Pour faire simple, c'est un endroit où nous avons le droit de traverser, sous le regard attentif d'organisateurs. Certaines voitures passent deux, trois fois, d'autres juste une, et à vrai dire je ne comprends rien. Mon faible niveau d'Allemand m'aide tout de même à comprendre qu'une personne a perdu connaissance et que les pompiers sont sur place. En conséquence, les départs sont suspendus et plus aucune voiture ne tourne. Je me remets en route à la recherche d'un beau cadre.
Lors de la reprise de la spéciale, je fais une halte dans un champ de vaches afin de tenter quelques filés...
Aurais-je trouvé un bon spot ? Celui là n'est pas si mal en tout cas ! Ôtons le fait que des "milliers" de photographes sans gêne se positionnent devant moi, et admirons les Groupe B dans leur habitat naturel !
La terre est mouillée, les voitures aussi. Je suis à proximité du passage dans l'eau. Ici, nous pouvons constater deux types de pilotes : ceux qui ne veulent pas se salir, et ceux qui savent pourquoi ils sont venus ! La fin approche, et le passage est maintenant bien creusé mais en manque d'eau, quoi qu'il en soit de belles gerbes finiront tout de même par arroser les plus curieux.
La Lancia Delta qui clôt le passage de peloton passe devant moi au ralentit, il est ainsi temps de rejoindre le parking. Nous ne sommes encore que Vendredi donc les 6 Heures WEC n'ont pas encore réellement commencé, et cela se répercute sur le rallye : il y a un monde fou ! Il n'est également pas rare de croiser des Quattro ou des Delta dans les parkings et de nombreuses supercars sur les routes des alentours...
Actuellement, il est dix-sept heures. Les voitures sont attendues dans un petit village allemand à dix-neuf heures afin d'y parader. Les concurrents prendront ensuite le départ de la spéciale de nuit, avant de retourner au parc fermé. Je ne trouve pas d'intérêt à rentrer et vais plutôt me posticher sur la route les menant au village, quitte à attendre une heure. Ce qui ne me pose aucuns soucis, j'ai tout ce qu'il faut pour manger, donc j'en profite. 19h13 : les premières arrivent ! Et c'est à nouveau la pagaille, la MG Metro 6R4 et l'Audi Quattro S1 passent avant les véhicules ouvreurs.
Entre deux groupes, je monte dans mon engin de locomotion et rebrousse chemin. J'avais repéré en arrivant, non loin d'une petite bourgade, une sympathique route en lisière de nombreux champs. A vingt heures précises, les Lancia Delta S4, Lancia 037 et autres Groupe B arrivent groupées tandis que Monsieur Walter Röhrl en personne, au volant de l'Audi Gruppe S, rentre au parc fermé.
Cette Audi m'est encore inconnue lorsque je la photographie et j'ignore ainsi totalement qu'il s'agit d'une première mondiale, trente ans après sa construction ! En 1987, la FAI met un terme au Groupe B, suite à plusieurs accidents mortels. Le Groupe S était alors envisagé, avec de plus petits moteurs. Audi, Toyota et Lancia avaient d'ores-et-déjà construit un véhicule pour ce nouveau championnat. Mais la FAI en a voulu autrement et ne lancera jamais le Groupe S. Contrairement aux autres constructeurs, Audi n'avait jamais dévoilé cette auto et la firme a préféré la cacher, et prétendre qu'elle n'existait pas.
Une bonne partie des Groupe B sont désormais passées sous mes yeux, mais j'aimerais tout de même effectuer un arrêt supplémentaire avant la tombée de la nuit, donc je me remets à la recherche. Trouvé ! Je ne suis certes pas le seul à ce virage, mais je suis en revanche le seul à oser me positionner sur les rails du train d'une ancienne voie, désaffectée à présent.
La luminosité baisse extrêmement vite, ce qui est somme toute normal puisqu'il est vingt-et-une heures... Je propose à mes camarades de presser le pas pour bénéficier des éclairages de l'heure bleue. Aussitôt dit, aussitôt fait ! J'arrive dans l'un des nombreux villages étapes. Les Dörfler (villageois) m'y voient passer pour la troisième fois, et ces derniers sont des spectateurs de choc qui ont tout prévu : barnum au cas où la pluie arriverait, glacière avec les packs de bières, pour se rafraîchir, et à chaque auto du rallye, c'est une holà qu'ils effectuent !
Les Peugeot 205 T16 et les Ford RS 200 arrivent enfin ! Malheureusement, la nuit approche dangereusement : mon 50 mm et moi même sommes éblouis par les phares de ces machines de guerre ! Les appels de phares, c'est sympa, mais quand ce sont des appels de huit phares, ça commence à faire mal aux yeux !
22 heures, il fait nuit noire, je quitte les lieux, une nouvelle fois derrière la Delta de fermeture que je suivrais cinquante mètres durant, avant qu'elle ne me quitte...
Samedi 23 Juillet 2016 - La dernière journée, essentielle !
Aujourd'hui, ce ne sont pas moins de trois spéciales qui attendent sagement les concurrents. Six temps au total seront enregistrés (deux par spéciale), ce qui ne manquera pas de faire chavirer le classement ! La première d'entre-elles est une fois de plus un mélange entre la terre et l'asphalte. J'ai choisi un virage de celle-ci qui présente un avantage : je peux à la fois voir les autos en pleine spéciale mais également observer attentivement celles qui s'y rendent car la route empruntée passe juste à côté ! Malheureusement, je ne peux pas shooter sur les deux endroits au même moment. Je choisis donc la spéciale mais je guette tout de même les voitures qui passent sur la route afin de savoir à quoi je dois m'attendre.
Midi retentit, je vais me poser aux abords de la route empruntée, mangeant avant que les Groupe B n'aient le temps d'arriver. Il faut désormais se munir d'un parapluie avant de sortir car la pluie est de sortie !
Une heure plus tard, me voilà dans une forêt au bord d'une nationale assez fréquentée. Mais cela ne pose aucun problème quand il s'agit de faire des filés.
Je m'arrête une nouvelle fois, non loin du tout premier arrêt de la journée, pour seulement cinq minutes car l'arrière plan est disgracieux avec ce parking et que la route a trop de passage.
Je me situe actuellement à l'entrée du chemin de la première spéciale (second round si vous avez suivi). C'est un chemin de terre, ce qui correspond aux autos de rallye.
La fin approche, je me rends donc à la fin de la dernière spéciale, où j'arriverais d'ailleurs un peu plus tôt que prévu grâce à la portion d'autoroute illimitée ! Profitons des avantages que l'Allemagne nous propose.
Je m'étais arrêté dans l'allée menant à une maison en pensant ne pas déranger. Le fermier en voulu autrement et m'a prié de partir. Une fois ça va, deux fois ça comme à faire, la troisième fois je m'en irai.
C'est ainsi que je tombe sur LE spot de ce rallye, mieux vaut tard que jamais ! L'eau tombe également d'ailleurs, et cela ne fait pas dans la demi-mesure ! Équipés de nos parapluies, nous nous orientons vers une bosse où l'eau nous aidera beaucoup pour la beauté de la photographie. En effet, les phares allumés se reflètent sur le sol détrempé, ce qui est absolument splendide !
Il pleut énormément et nous sommes les seuls photographes à être abrités par l'unique biais de parapluies. Alors oui, les pilotes et copilotes nous remarquent. Nous avons même visiblement choqué certains français qui racontaient au parc fermé l'heure suivante, qu'ils avaient vu trois photographes "fous" sous des trombes d'eau après la dernière spéciale !
Je propose d'avancer un peu plus loin afin de voir ce que l'on peut en tirer. Les résultats ne sont satisfaisants. Je rentre au parc fermé.
J'arrive un peu tard, donc évidemment, toutes les autos sont déjà passées sur le podium et les vainqueurs ont déjà célébré leurs victoires respectives. Du coup, il ne me reste plus que le parc fermé comme terrain de jeu. Et pour la première fois depuis trois jours, je peux enfin laisser place à mon imagination concernant les détails.
Vous avez pu admirer quelques voitures que je n'aurais finalement pas vu rouler durant ces trois jours. Il y a quand même une tête d'affiche qui m'aura échappé : la Peugeot 405 T16 Pikes Peak. C'est assurément le plus gros raté de cette édition pour moi. Selon certaines sources, elle n'aurait seulement roulé que lors de la parade le vendredi soir...
Le temps est venu pour moi de me séparer ces merveilles, ou plutôt de leur fixer à nouveau rendez-vous l'année prochaine, en 2018, et en espérant les revoir ! Car une chose est certaine, je ne couvrirai pas l'édition 2017 car le même week-end se déroule le Solitude Revival près de Stuttgart et j'y serai !
L'Eifel Rallye Festival est vraiment un événement singulier ! Cette édition spéciale Groupe B et Groupe S m'a tout simplement subjugué ! Nombreuses sont les stars que j'ai pu voir déambuler pour la première fois. Selon moi, admirer ces véhicules dans ces conditions-là, ce n'est que du bonheur, elles y sont destinées. Je trouve tout à fait normal pour des voitures de rallye que des petits soucis puissent se présenter, et heureusement que des collectionneurs les fassent encore rouler ! Merci à eux ! La météo ? Pas tout à fait de saison mais il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans la région de l'Eifel, région où il peut faire beau le matin et neiger l'après midi !